DÉSÉSPÉCÉ*
Maisons des Arts (Colomiers 2002)
«Grandeur
et voyagej des petits objets affectifs»
*de désesperé, dépecé, désépaissi, dépaysé, dépeuplé,
dépossédé, désespacé.(voir S. Beckett)
Je
me suis toujours demandé comment se formaient les moutons
de poussière sous les meubles et le long des plinthes.
Quand tout à coup j’ai ouvert le grand sac avec tous
les objets choisis pour ce grand voyage, j’ai entendu
quelqu’un
me murmurer cette phrase " il n’y a histoire que
lorsque vous inventez des histoires qui ne sont pas les
vôtres.
Une histoire dans laquelle vous ne faites rien de précis
sauf de continuer quelque chose que vous ne pouvez
faire puisque vous n’avez rien à y faire.
Puisqu’il s’agit de quelque chose qui
n’existe pas ".(Charles Pennequin, in " Dedans ")
Le grand sac était vide maintenant : chaque objet avait
trouvé sa place dans le voyage.
Ce voyage d’objets dans lequel je me suis déposé. On
s’est déposé. On y dépose là.
On y est dépossédé et c’est aller mieux dans les
autres que d’être désespécé.
RM décembre 2001
Il y
avait les "objets pansés" d’Erik Dietman. Il existe
maintenant les pansements
photographiques de Roberto Martinez. Alors que les objets
recouverts de
sparadrap d’E.D. relèvent de la
protection-guérison-momification, les photographies
de R.M. sont à proprement parler des pansements
d’espace. Ici, pas de superposition,
ni de recouvrement, mais la banale introduction, la
dérisoire immixtion de simples
" triscostérils " dans les contextes les plus domestiques
qui soient.
On imagine ainsi les portes, fenêtres, mobiliers ou murs
sur lesquels ce sparadrap
se trouve méticuleusement apposé, comme autant de lieux
entamés dans
leur intégrité physique. Ce qui est subrepticement suggéré
ici, c’est, en filigrane, la
révélation d’un espace "malade" ou, pire, la mise à
jour d’une «maladie» de l’espace…
Comme si l’ordonnancement confortable de ces
intérieurs ne pouvait cacher plus
longtemps leurs défaillances. Comme si, derrière (dessous
?) la "normalité" de ces
agencements, se tapissait une blessure structurale
qu’il fallait à la fois occulter et
soigner. Les pansements photographiques de Roberto Martinez
se font bien à cet
égard les emblèmes allotopiques de la nécessité qu’il
y a aujourd’hui à prendre
bien soin de l’espace générique
aussi
bien que de l’espace intime.
Bernard
Marcadé décembre 2002
Et
si je me pensais à travers les objets pansés comme des
supports "allotopiques" de mes faiblesses
ou de ma quotidienne naïveté à décrypter les principes de
réalité qui jalonnent mon travail depuis 10 ans.
Et si je me pansais sur le dos des objets que depuis des
années je photographie sans penser à savoir
qui protège l’autre pour solde de tout compte.
R.M. décembre 2002
Vues
de l'exposition
(Voir
Catalogue en pdf)
avec des textes de Bernard Marcadé, Roula Matar-Perret et
Roberto Martinez