Inscrire l'image

Roberto Martinez interroge notre système de perception à travers une mise en place de la photographie, cette gigantesque "Machine de vision" qui a façonné le regard du monde. Un monde d'images. En flots ou en ligne elles sont constamment renouvelées pour être traitées dans leur état le plus récent. D'une durée de vie de plus en plus courte, toujours prêtes à être remplacées par une autre ces images n'existent que dans l'urgence de l'instant. De cet instant qui la a enfantées. Le temps de vision est devenue celui du direct. Vivre en temps réel l’irrésistible présent tel est le mouvement du monde que dessine Robeto Martinez.


L'instant et l'image qui sont liés se trouvent comme fossilisés, absorbés par leur support, comme s'ils ne pouvaient résister à cette temporalité. Comme si l'arrêt sur image faisait corps avec l'écran sur lequel elle était apparue au point d'en être la configuration. Comme si cet arrêt sur image comprenait le poids de toutes les images en fil inscrivant le corps des images dans les mailles de l'écran. Roberto Martinez dessine une analogie entre l'image et le corps. Il rappelle que l'oeuvre ne dure pas. elle est, elle ouvre une nouvelle temporalité - introduit la présence du commencement tout en insistant sur la fin possible, la mort. Geler un instant, capter, piéger, fixer une image du geste artistique, de ce besoin de l’homme à fixer les images du monde qui l'entoure et à exprimer sous des formes durables. Ainsi les papiers tue-mouches mis en parallèle avec des pellicules photographiques, qui déclarent leur analogie, entre un papier qui piège les mouches et l'autre les images, entre l'un qui tue des insectes, et l'autre l'instant.

Jérôme Sans (1992)


Texte écrit pour le catalogue de l'exposition Parcours Français (Leipzig 1992) )Organisée par Julie Heintz,